Noël au Pérou

// Mis à jour en novembre 2020 //

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Avez-vous déjà passé Noël au Pérou ? Dans ce joli pays, 90% de la population est catholique. Comme toute célébration chrétienne, la fête de Noël est une étape indispensable du culte religieux et jusqu’à ce que j’arrive au Pérou, je pensais qu’elle se célébrait de la même manière sur toute la surface du globe. A la recherche du "vrai" Noël, j’ai visité deux régions péruviennes très différentes :Lima et Capachica, sur les rives du lac Titicaca. Ces deux endroits sont complètement opposés, notamment en ce qui concerne leur niveau de vie, et la fête de Noël est un sujet qui témoigne profondément de cette différence. Quelle ville est donc la plus proche de Bethléem ? Paris, Berlin, Lima ou Capachica ?

Dans la capitale péruvienne, où se trouve le plus grand aéroport du pays, chaque maison, riche ou pauvre, possède une télévision. A la veille de Noël, Lima vibre au son des porte-monnaie, c’est l’ivresse de l’achat. Dans les rues les gens se pressent à un rythme frénétique. Les grands centres commerciaux font des chiffres d'affaires records avec les derniers achats de Noël. Une chose est certaine et fait la différence entre l’Europe et l’Amérique du Sud : ici, la température s'élève jusqu’à 27ºC et les boissons et les glaces se vendent à chaque coin de rue…

Les vitrines décorées des commerces nous donnent l'impression qu'un hiver rugueux se trouve devant la porte, la neige se déploie sous toutes ses formes artistiques et les sapins en plastique, recouverts d’une poudre blanche et ornés de boules scintillantes, finissent d’imprégner les acheteurs de la magie de Noël. Sans oublier bien sûr ces pauvres intérimaires qui s’habillent d’un costume de mousse rouge et blanc et se parent d’une barbe de coton, d’un bonnet à pompon et de lourdes bottes de cuir. Ce costume bien connu a pour but de tenir le Père Noël au chaud car le Pôle Nord atteint des températures bien en dessous de zéro. Mais ici au Pérou, pourquoi leur infliger tant de souffrances ? Le Père Noël péruvien ne pourrait-il pas se pavaner en short et en débardeur ?

Noël se déroule à Lima de la même manière qu’en Amérique du Nord et un peu partout en Europe. Chaque famille a sa propre décoration de Noël. Le Papa Noël descend par la cheminée et sort de sa hotte tous les cadeaux qu’il place sous le sapin joliment décoré. Les rennes se délectent des carottes laissées par les enfants et Papa Noël savoure son verre de lait. Une fois terminé, il se dirige vers la cheminée de la famille suivante pour y déposer d’autres cadeaux.

Mais au final, je me demande quand même si les habitants de Lima savent vraiment quel est le symbole de l’arbre de Noël ? Il me paraît évident que, tout comme Halloween, cette célébration religieuse a subi les conséquences de ce que l’on appelle "société de consommation". Pourquoi cet arbre habillé de neige provoque-t-il autant de joie ? Pourquoi est-il si important de rappeler le froid glacial de l’hiver, alors qu’ici, c’était l’été quand Jésus est né !

Je demande à Edita, une señora de 84 ans, comment elle a vécu Noël quand elle était enfant. Elle me raconte qu’à son époque il n’était ni question de Père Noël, ni de sapin. A l'époque, dans les chaumières, ça sentait l'encens et les enfants accompagnaient les bergers qui allaient de maison en maison en chantant et distribuant des sucreries.

La fête de Noël telle qu’on la connaît aujourd’hui est arrivée avec la vague d’immigrants issue de la seconde Guerre Mondiale. Elle s’est propagée notamment à travers les films de productions européennes et nord-américaines. Peu à peu cette coutume s’est adaptée à la mode liménienne et après quelques décennies, elle est finalement devenue cet événement incontournable tel qu’on peut l’observer de nos jours dans les rues de la capitale.

Mais éloignons-nous un peu de Lima pour nous intéresser à une autre région du Pérou : Capachica, située sur le lac Titicaca. Nous nous trouvons maintenant loin de toute infrastructure moderne, ce qui implique l’absence d’alimentation électrique et d’eau potable courante…

Sur la péninsule de Capachica, endroit idyllique situé sur les rives du lac Titicaca, le 23 décembre se déroule comme tous les autres jours. Les habitants s’affairent dans leurs champs, s'occupent de leurs vaches et de leurs ânes. J’ai beau chercher le chaos de Noël, mais en vain, car il n’y a absolument aucune trace du stress de Noël. Dans les petits magasins de campagne on ne trouve pas la même frénésie de Noël qu’à Lima, l’offre de cadeaux et de décorations y est d’ailleurs pratiquement inexistante.

Pour en savoir plus sur la manière dont les gens passent Noël ici, je fais la rencontre de Inocencio. Nous discutons dans sa petite maison faite d’argile ; il a 24 ans et est père de 3 enfants. Je ne trouve dans son foyer toujours aucune trace de Noël. Il me dit que tout le monde est au courant ici que demain, le reste de la planète va fêter Noël, mais pour lui comme pour les autres villageois, cette fête n’a aucune importance : "ce jour est comme tous les autres, me raconte-t-il, personne n'aurait l'idée ici de recouvrir sa maison de décorations de Noël multicolores ". Le Père Noël est aussi étranger pour Inocencio que le fait de mettre un arbre dans sa salle de séjour !

L’impression donnée par Lima est qu’un Noël sans cadeaux n’est pas vraiment Noël. Ici sur le Lac Titicaca, loin du temple de la société de consommation, les gens se racontent leur propre version de l’histoire de Noël et celle-ci reste nettement plus proche de la naissance de Jésus que de l’apparition du Père Noël ou de la montagne de cadeaux sous le sapin ! Dans la plupart des villages des Andes péruviennes, le saint message de la consommation de masse n’est pas encore arrivé.

En revanche Inocencio a quelque chose à me montrer : rempli de fierté, il me présente ce qu’il a réalisé pour la fête de la Vierge de Candelaria. La sainte Vierge est fêtée pendant la saison des pluies pour bénir les paysans de sols féconds pour la nouvelle année. Cette fête dure trois jours, et pour l’occasion Inocencio s’est fait faire un costume traditionnel.

Ce qui me fait sourire quand je pense à cette tradition devenue manifestement "païenne", c’est d’imaginer en l’an zéro les habitant de Bethléem décorant leur sapin tout en attendant les cadeaux du Père Noël. Puis, si j’y réfléchis bien, un bébé entre un âne et un bœuf, allongé sur de la paille, je me l’imagine beaucoup mieux dans une des cahutes d’argile du lac Titicaca que sous un sapin dans un appartement de Lima !

Je me promets l’année prochaine de m’accorder un petit temps de réflexion sur la véritable origine de Noël avant de me faire influencer par le matraquage télévisuel, les paillettes de Noël ou autre neige artificielle et de me jeter corps et âme dans cet univers de consommation. Le plus important pour moi, et je pense que c’est aussi le cas pour la majorité de la planète : Noël restera toujours l’unique moment de l’année où se réunissent autant de membres de la famille autour d’une dinde préparée avec amour. Aucun cadeau et ni Papa Noël ne pourra m’enlever ce moment magique !

Auteurs : Morgane Sauret & Yngrid Riveros – Arequipa, Pérou